2019-11-19 / par Christian Roy / Dans Données

Bien nommer les projets de données d'usage

Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
– Nicolas Boileau

Ça fait plus de dix ans que je m’intéresse aux métadonnées descriptives des contenus culturels. Depuis trois ans, je travaille également à exploiter les données d’usages associées aux consommateurs de produits culturels, non seulement pour mieux commercialiser ces derniers, mais également pour aider à la prise de décision dans les organisations.

L’intérêt pour ces pratiques est croissant. Les organisations culturelles prennent progressivement le virage numérique et sont de plus en plus exposées aux données et à leur potentiel.

Je constate toutefois qu’au-delà du «buzzword» et de l’intérêt général pour les «données», plusieurs ont du mal à cerner clairement ce qu’ils peuvent faire, concrètement, avec ces données. Je constate également qu’en mettant tous les projets «de données» dans le même lot, on crée de la confusion.

Un cadre pour classer les projets de données d’usage

Au cours de différents mandats dans la dernière année, j’ai constaté que de préciser la nature des projets qu’on mène clarifiait beaucoup les choses pour tout le monde. Pour le faire, je propose de réfléchir nos projets sur deux axes:

  • Rétrospectif ou prospectif: est-ce qu’on veut utiliser les données pour obtenir des informations sur des événements qui sont passés, ou est-ce qu’on veut les utiliser comme outil pour poser des actions futures?
  • Exploratoire ou opérationnel: est-ce que le projet servira à découvrir des choses, à valider des hypothèses, à les comprendre, à tirer des conclusions? Ou au contraire s’appuie-t-il sur des conclusions déjà tirées, des certitudes, pour lesquelles on veut mettre en place des moyens pérennes?

Je rappelle que cette réflexion s’applique aux données d’usage, pas nécessairement aux données descriptives (bien que ce sujet là aussi mériterait qu’on s’arrête à mieux définir nos projets).

Si on utilise ces deux axes pour créer une matrice, on arrive à un système de classement des projets de données qui prend la forme suivante:

Dans la matrice, chaque quadrant correspond donc à différents types de projets. Quelques notes sur chaque quadrant suivent.

Exploration et visualisation

On veut utiliser les données pour nous aider à apprendre des choses, ou simplement à mieux formuler des questions. Ce sont des projets qui exploitent les visualisations interactives ou exploratoires, des analyses statistiques, des tableaux de données génériques. On ne sait pas encore ce qu’on cherche, mais on pense que les données peuvent nous aider à le trouver.

Automatisation

On sait que nos données sont utiles pour poser des actions, et on a la conviction que ces actions sont utiles. On veut donc automatiser des processus. Par exemple, on veut faire en sorte que chaque nouvel abonné à notre infolettre soit ajouté dans une audience Facebook de façon à le cibler lui et ses «amis». Ou on veut envoyer un sondage de satisfaction à nos abonnés après chaque représentation à laquelle ils assistent pour montrer qu’on s’intéresse à leur expérience et pour recueillir du feedback. On veut assigner plus de préposés à l’accueil pour une date spécifique si les ventes dépassent un seuil donné.

Tableaux de bord

On s’intéresse à des métriques de façon récurrente, dans un format adapté à l’utilisation qu’on veut en faire. C’est assez classique, mais efficace. Il peut s’agir de tableaux de bord présentant des ventes en temps réel ou sur une période donnée, des indicateurs associés à des actions de marketing (taux d’ouverture ou de clics dans une infolettre), le taux de renouvellement (ou d’attrition) des abonnés, l’achalandage sur le site web… Ces données sont parfois tirées de plusieurs sources différentes et agrégées dans un outil spécifique (à la Google Analytics ou DashThis).

Expérimentation et tests

On veut prendre des décisions éclairées et basées sur des données, pas des intuitions. Qu’il s’agisse de changer la façon dont on fait l’accueil lors d’un spectacle, le nombre de mots-clés qu’on place dans les métadonnées descriptives d’un livre, ou changer l’incitatif qu’on donne à des donateurs qui contribuent à une campagne de financement, certaines décisions sont lourdes d’impacts. Il peut alors être utile de développer une «expérience» (au sens d’expérimentation, pas une expérience client!) qui permet de valider une hypothèse (par exemple, changer le nombre de mots-clés pour un nombre limité de livres et constater l’impact sur la visibilité dans une librairie en ligne choisie).

Réflexions

Évidemment, un même projet peut se trouver à l’intersection de différents quadrants. Les projets d’expérimentation et tests s’appuient parfois sur de la visualisation et de l’exploration de données, soit pour générer des hypothèses, soit pour constater les résultats.

Ou encore, un projet peut se déplacer d’un quadrant à l’autre. Par exemple, un projet d’expérimentation concluant pourrait mener à de l’automatisation. En fait, on espère que certains projets suivront cette voie.

Je ne sais pas si cette catégorisation des initiatives d’utilisation des données d’usage sera utile à d’autres, mais elle a été éclairante dans plusieurs conversations que j’ai eues avec des clients du domaine culturel au cours des derniers mois. Je serai heureux de savoir si elle est utile à d’autres et si elle suscite des réactions…